mardi 1 août 2017

Travail de nuit

J'arrive à l'hôtel pour 22 heures. Je salue les employés de l'après-midi qui seront à mes côtés encore quelques heures selon la quantité de travail qu'il leur reste. Ils rentrent un à un, me laissant seul avec mon collègue de nuit avec qui nous nous empressons d'abattre les quelques tâches d'etretien ou de comptabilité qui nous incombent.



Un de nous deux, souvent moi, s'occupe d'inspecter l'immeuble, lampe torche à la main et master key au cou. L'autre commence la comptabilité du restaurant et du magasin, et rentre les chiffres d'affaire des services touristiques et du salon de massage. Quelques tâches annexes aussi, telles que le re-remplissage des fioles d'huiles essentielles usagées.



Tout est expédié avant minuit. Parfois même avant que je revienne de l'inspection de routine, auquel cas M. Chouki m'accueille avec son plus grand sourire : "Ca ne te déranges pas que j'aille en fumer une ?" C'est mon meilleur collègue, avec qui le shift se passe le plus agréablement. On s'occtroie aisément trois heures de repos par nuit, pour manger, bouquiner, dormir... Lui entre minuit et trois, mois entre trois et six heures.



A mon retour il ne me reste plus qu'une demi-heure, pour aller ouvrir les volets aux quatres étages du bâtiment, allumer les écrans dans le lobby et la musique d'ambiance, alors que les clients s'affolent déjà à 6h21 car les portes du restaurant ne sont pas encore ouvertes pour le petit-déjeuner. "Veuillez patienter encore neuf minutes."



Le collègue doit rester jusqu'à huit heures, ou pire à onze heures s'il fait un double shift (18h - 11h le lendemain). Je débauche à six heures trente, sauf si Kintarou me demande dedisparaître avant l'arrivée des collègues féminines à six heures et demi. C'est ce même antagonisme qui fait qu'il ne peut plus travailler que de nuit, ce qui réduit mes horaires considérablement. Notre bonne entente relative aura été de courte durée avec le carpicieux Kintarou, se dégradant à chaque nuit travaillée ensemble. Il s'est vite montré abusif, finissant par ne plus m'appeler par son prénom mais par la pire interjection possible en japonais ("omae"), s'énervant pour un rien. J'ai tenté d'apaiser la situation en faisant intervenir le manager, puis en l'abordant directement, mais rien à faire. J'ai dû demander à ne plus travailler avec lui. Nous nous partageons désormais les shifts nocturnes.



Quant au manager M. Inoue, c'est devenu un robot dès lors qu'il a signé son contrat d'embauche avec son sang il y a quelques années. Il ne peut plus réfléchir par lui-même d'aucune façon, et, dépourvu de tout bon sens, n'est plus capable que de suivre les consignes et de les faire appliquer. Sa façon d'expliquer celles-ci est calamiteuse, il récite tout au détail près : "Un (bon) veilleur de nuit ne doit pas seulement vérifier que les effectifs de clients au buffet d'après-midi est correct, mais doit examiner en profondeur la raison d'un déficit. Là par exemple, il y a deux clients de moins, pourquoi à ton avis ? Eh bien il faut aller chercher leur carte d'enregistrement, et là on s'aperçoit que le buffet d'après-midi n'est pas inclus." On m'avait prévenu que l'homme "fait peur", mais il m'évoque plutôt le désespoir.