jeudi 12 janvier 2017

Bas les masques

Si pour moi le boulot de service se caractérise par l'artificialité des interactions, donc l'annihilation de soi, pour Keiko, le masque sert aussi de bouclier de l'âme pendant les heures de fonction. Faire semblant permet de ne pas se laisser affecter par des tâches inutiles et ennuyeuses, et certains collègues qui le sont autant.

Mais si cette conception est rassurante, le choc n'en reste pas moins grand quand les masques tombent.

Comme lorsque Abe, le parfait petit soldat de l'hôtellerie, droit comme un "i", avec sa façon tellement déférente de parler que c'en est comique - il va jusqu'à s'excuser en s'inclinant devant la porte de la chambre des clients après l'avoir refermée - est interpellé par Keiko au sujet d'un gobelet dans la poubelle et qu'il lui rétorque : "C'est moi qui l'ai jeté, et alors? T'as un problème? Tu vois pas que je suis occupé, là?".

La violence de cette agression verbale est décuplée par le changement radical de ton, comme un déchirement dans le tissu des interactions sociales, d'où surgit la face la plus aggressive des âmes et qui dévaste les cœurs purs. Keiko est bouleversée, elle part sangloter auprès du manager M. Nakamura et tente avec lui de donner un sens à cette soudaine eruption de brutalité.

Est-ce l'homme Abe qui est fondamentalement abusif, mais parvient à le dissimuler 99% du temps, ou est-ce l'entreprise dans laquelle il s'investit tant, corps et âme, qui l'use au point de le rendre sociopathe ?

Il semble bien que la fatigue psychique liée au faire semblant de notre quotidien professionnel soit le terreau de la crise de nerf (Keiko et Abe), des troubles du sommeil (Yuuki) et autres affections liées au stress.