samedi 24 décembre 2016

Naminori

Plutôt que l’emprunt plus commun de l’anglais « surfing » (サーフィン), Takashi, le petit ami de Keiko, parle de « monter les vagues » (naminori), formule du cru donc plus élégante.


En quatre sessions, Takashi m’a fait découvrir les meilleurs spots de surg de l’île, à l’ouest du côté de la baie de Nagura, et d’impressionnants rouleaux plus au nord au niveau de Yamabare.



Je suis allé me frotter seul au dernier spot, à Maezato, où il faut ramer quelques 400 mètres pour atteindre le line up, qui se sépare en deux zones de houle constante. Les vagues overhead, c’est-à-dire dont la taille dépasse celle du surfeur, étaient trop grosses pour mon niveau, et me faire emporté deux fois ont suffit à me décourager. Pour les éviter, j’ai commis l’erreur de me laisser emporter entre les deux zones surfables. Laissant les vagues déferler de part et d'autre à bonne distance, j'ai voulu rejoindre le rivage en gardant le cap vers l’hôtel ANA Intercontinental face à moi. Mais au lieu de m’en rapprocher, il semblait s’éloigner à mesure que mes forces s’épuisaient. C’est en évaluant ma progression par rapport aux coraux sous ma planche que je me suis rendu compte que je pouvais lutter tant que je pouvais, le courant me déportai inexorablement. Mon salut vînt de la marée descendante qui calma les vagues, et que je pus rejoindre en nageant vers elles parallèlement à la plage pour ensuite nager vers celle-ci.

jeudi 22 décembre 2016

ciel rose


サトウキビ

踊っているよ

空ピンク


Les plants de canne

dansent dans le vent

Ciel rose 

mercredi 14 décembre 2016

Okamoto

Un très curieux personnage a fait son apparition au milieu de la semaine dernière. Un garçon d'une vingtaine d'années, de la taille d'un aspirant sumo, portant une chemise dépareillée des nôtres. Il semblait s'être tout juste extrait de sa chambre d'hikikomori, traînant les pieds et laissant sa lourde tête retomber avant de la redresser une fois une position stationnaire recouvrée. "Voilà un homme qui se laisse mourir en s'engraissant immodérément", ai-je pensé sans doute injustement en le regardant, fasciné, taper à l'ordinateur avec une vélocité en fort contraste avec son poids. Puis j'ai été subjugué quand, au bout d'une heure, une fois la plupart des clients enregistrés, il s'est présenté à moi en m'offrant un sourire si chaleureux qu'il m'a d'un coup semblé éminemment sympathique.

Puis il est venu plusieurs jours après "voir comment c'est chez [m]oi". Après avoir fait quelques provisions au konbini, sa première question en entrant dans ma chambre fût de me demander, avec un tremblement dans la voix, si je n'avais pas de TV. Eh bien, si, mais je ne la regarde pas donc elle est rangée dans le placard. Il l'a sorti, l'a branché dans le coin de la pièce et s'est allongé devant, à même le sol, en décapsulant sa canette de soda et en ouvrant un paquet de cacahuètes, dont il dévora le contenu par petites poignées. Lorsqu'il je lui demande, plaisantant à moitié, s'il s'est vraiment sain de scotcher la TV de s'y près, il me confie très sérieusement qu'il est sujet à la dépression.

Après une vingtaine de minutes, deux paquets de cacahuètes et un de chips, il se lève enfin pour nous préparer deux bols de ramen, que nous dégustons avec gourmandise avant que je le raccompagne chez lui en scooter. J'ai alors l'occasion de jeter un bref coup œil à "comment c'est chez lui", et je constate qu'il n'est pas enclin au ménage.

Cette situation n'est pas rare chez les employés d'hôtel que j'ai côtoyé, et souvent c'est le sentiment d'être délaissé qui conduit à négliger sa propre hygiène de vie.

A la lisière du monde, on n'a plus le courage d'entretenir son monde propre.

Collègues

Au boulot, on se trouve inévitablement immergé dans un réseau complexe de relations. Comme dans tout autre contexte de socialisation, au fil des premiers jours, la découverte de nouveaux individus provoque une multitude de réactions émotionnelles.

Ainsi ai-je rapidement été rassuré de ne rencontrer au travail que des personnes au mieux agréables et attentionnées, au pire qui me sont indifférentes. Sans doute grâce à l’image positive qui a précédé ma venue, même des individus qui peuvent engendrer un certain stress chez d’autres collègues se comportent, avec moi, de façon respectueuse.

C’est le cas de Teruya, qui rappelle sans cesse à l’ordre Xin, une jeune chinoise en stage de fin d’études, lui interdisant d’utiliser son smartphone et de discuter dans le lobby, alors qu’elle est beaucoup plus tolérante à mon sujet, et prît même ma défense lorsque le patron me demanda de me couper les cheveux.

Le nom de Nakama, également, revient souvent lorsque je demande à certains collègues avec quelles personnes ils et elles ont le moins d’affinités. Nakama est une belle grande surfeuse bronzée à la longue chevelure brillante élégamment coiffée en queue de cheval. Elle s’occupe des réservations, et passe quotidiennement à la réception pour s’assurer de son bon fonctionnement. Alors qu’elle semble « sévère et strict » à beaucoup, les rares fois où nous avons communiqué elle m’a proposé non moins que de me présenter aux « légendes » du surf local. Et, étant donné son image autoritaire et laconique, j’ai été surpris de la voir un jour s’extasier devant une page du manuel anglo-japonais que je suis en train de composer (« Oh c’est super ! Moi aussi je veux apprendre [l’anglais] ! »), et une autre fois de complimenter profusément ma maîtrise pourtant toute relative des baguettes. Une certaine timidité à mon égard point même dans sa façon de détourner le regard lorsque nous parlons.

Toutes et tous me sont sympathiques, ou presque. L’exception étant celle que j’ai tout de suite identifiée comme « Watanabe la relou ». Relou, elle l’a en effet été dès mon premier jour de travail, comme en attestent ces extraits de mon journal :

# M’a demandé d’inscrire mon numéro de téléphone, montrant une case vide en face de mon nom sur la liste des coordonnées des employés, et s’est montrée irritée quand je lui ai dit que je n’avais pas encore de téléphone.

# M’as dit de porter des chaussettes noires par respect du client, quand elle a vu mes chaussettes rouges à motifs gris dont une autre collègue avait pourtant remarqué l’élégance plus tôt dans la journée.

# M’as demandé d’écrire exclusivement en japonais dans mon calepin après que j'y ai écrit à haute voix : « buy black socks » (« acheter des chaussettes noires »), émoussant ainsi ma bonne volonté à suivre ces règles qu’elle affectionne par trop.

Bon, ce n’est pas une si mauvaise de pratiquer le japonais écrit… Et quand je lui ai avoué la trouver « sévère » (kibishii), elle s’est défendue de ne faire que relayer les ordres. Mais relou, elle n’a cessé de l’être par la suite :

# Quand j’ai plaisanté à l’attention d’une collègue qui partait en pause « Merci pour tes loyaux services » (osewa ni narimasu) au lieu de l’habituel « A tout à l’heure » (itterasahi), m’a expliqué le plus sérieusement du monde que je m’étais trompé d’expression.

# M’a vu chercher sur Google maps l’adresse d’un recycle shop et a commenté avec un rictus condescendant que ça n’avait pas de rapport avec le travail.

# M'a défendu d'tutiliser la session d'un collègue sur le logiciel "OPERA".

Je peux comprendre la logique derrière certaines de ces injonctions, mais le ton sur lequel elles sont proférées manque de toute courtoisie. D'autres règles sont carrément absconses :

# M’a dit qu’il ne fallait pas jeter des emballages de gâteaux dans les poubelles de la réception (pourtant cachées de la vue des clients), poubelles « réservées aux clients ».

# Après m’avoir entendu adresser à un client la formule de politesse : « shitsurei shimasu. » (Veuillez m’excuser), a corrigé : « [On dit] shitsurei itashimasu. » (Je vous prie de m’excuser).

Rejetant ce stress qu’elle semble vouloir véhiculer, je tends à l’ignorer, ce qui fonctionne. Après plusieurs semaines de travail, mon attitude froide et distante l'a paradoxalement faite se rapprocher, et nous conversons maintenant normalement. J’ai bon espoir que ça dure.