dimanche 22 mai 2016

L'homme qui travaille

Aujourd'hui j'ai enfin pu taper un bout de causette avec ma collègue, qui vient utiliser les fourneaux pour préparer les omelettes rondes et les tonkatsu (とんかつ porc pâné, sauce sucré salé, oeufs brouillés). Shiho vient de Tokyo et est guide de plongée la journée. Elle a fait l'école des métiers de la mer pendant deux ans à Hiroshima et a le même âge que moi (30 ans). Elle exulte la confiance en soi et le professionalisme; les dizaines d'omellettes rondes qu'elle prépare ont une forme parfaite grâce à son geste du poignet d'une impressionnante maîtrise à force de répétition. Comme je lui ai exprimé hier ma surprise de ne pas avoir le droit de goûter ce que l'on prépare, aujourd'hui elle m'offre un morceau de tonkatsu "pour goûter." C'était sucré et goûtu.

Les autres membres de la cuisine son "ma patronne", dont je ne connais toujours pas le nom (sa toute première phrase à mon égard ayant été: "tiens, prend ça et vas te changer s'il te plaît"). Elle répète tous les noms en double et me donne sans cesse des ordres, même quand je suis déjà occupé. Peut-être pour souligner mon incompétence à ne pouvoir en même temps porter 10 kilos de riz brulant et battre une cinquantaine d'oeufs. Le plus pénible étant quand je suis déjà en train de faire les tâches en question: Si je passe à la friteuse pour y plonger les steaks hâchés, elle me lance: "mets les steaks hâchés à frire! Les steaks hâchés!"; ou quand je m'apprete à porter le riz à la salle de préparation: "ramène le riz là-bas! Le riz!"

Au fil des jours, je prend de plus en plus d'initiative pour lui montrer que j'ai bien compris le boulot, et elle commence à me lacher la grappe. Mais quel stress elle semble ressentir, tout de même! Stress qu'elle tente visiblement de me transmettre, plutôt que son savoir-faire.

Il y a une autre femme assez âgée, le dos courbé et la voix stridente, mais qui m'est tout à fait sympathique car attentionnée et souriante.

Aiko-chan, une petite vietnamienne de 39 ans mariée à un Japonais, est femme de ménage la journée dans un hôtel de Shimoji. Lorsque que je lui demande si elle a des enfants, elle pointe du doigt un jeune homme fort occupé à trancher des amoncellements de légumes au fond de la cuisine. Je suis surpris de la différence de corpulence entre la mère et son fils de 18 ans, qui fait au moins le triple de son épaisseur.

Voilà pour ce qui est de la cuisine. A la salle de préparation, il y a environ six femmes. On voit qu'au bentoya, le personnel est essentiellement féminin.